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SOS Justice environnementale en RDC: Un groupe des populations autochtones Batwa, excédés par l’extrême pauvreté à la suite de leur expulsion afin d’établir le Parc National de Kahuzi Biega, décidé de retourner dans leurs forêts ancestrales.


publié le 20-07-2020

Plus de quatre décennies après l'expulsion des Batwa de leurs forêts ancestrales, aujourd'hui Parc National de Kahuzi Biega (PNKB), un groupe des Batwa excédés par l'extrême pauvreté et les promesses non concrétisées du gouvernement décider de retourner dans ce Parc malgré les restrictions légales en vigueur en République démocratique du Congo. Depuis lors, ces riverains autochtones Batwa s’affrontent régulièrement aux éco gardes, entraînent parfois des pertes en vie humaine.

La création du Parc National de Kahuzi Biega (PNKB) en République démocratique du Congo (RDC), en 1971, a laissé des milliers de Batwa dans une situation très précaire. Les autochtones Batwa ont été détruits culturellement par la perte de leurs forêts. Malgré cela, en 1980, ce Parc a été déclaré site du patrimoine mondial par l’Unesco. La spoliation des terres ancestrales des autochtones Batwa sans mesure compensatoire a eu et continue d’avoir des effets particulièrement dévastateurs sur les femmes Batwa dont l’un des rôles centraux consiste à nourrir et soigner leurs familles. Désormais les femmes autochtones Batwa riverains sont dépourvues de moyens de subsistances et sont confinées à des conditions de vie très précaires, les exposant ainsi à l’exploitation et à la violence.

Cette pauvreté extrême, conduit parfois les riverains autochtones Batwa riverains à entrer dans le Parc en dépit des restrictions légales en vigueur, pour prélever des ressources naturelles vitales leur serviteur comme moyens de subsistances telles que le miel ou les plantes médicinales. En effet, la loi n ° 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature a renforcé le régime répressif en vue d’assurer la protection des espèces, des investissements et des habitats naturels. L’article 10 de la loi susvisée dispose que «(…) sont protégés les espèces de faune et de flore sauvages à tous les stades de leur cycle biologique». Cependant, la loi n ° 14/003 accorde certaines dérogations aux mesures de conservation, notamment dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique, ainsi que de la sécurité alimentaire des populations riveraines des aires protégées. Malheureusement, l’exécution de ces dispositions dérogatoires s’avère difficile faute des mesures d’application.

Les expulsions au PNKB ont eu lieu au courant de deux décennies: les années 1960 et 1970. Environ 6000 Batwa ont été expulsés de force de leurs terres ancestrales situées dans ce Parc. Entre 1970 et 1985, les Batwa ont été expulsés respectivement des collines de Chatondo, de Katasomwa, de Munango, de Kabona, de Kakumbukumbu et de Bukulula… espaces à ce jour érigés en partie haute altitude du Parc National de Kahuzi-Biega. Ces collines sont situées à cheval entre les territoires de Kabare, de Kalehe et de Shabunda en Province du Sud-Kivu à l’Est de la RDC.

D'après le recensement réalisé en 2017 par l'Institut National de la Statistique de la RDC, il y a environ 9608 autochtones Batwa occupant dans 101 villages riverains de la partie haute altitude du PNKB, précisément dans les territoires de Kabare et Kalehe, en province du Sud Kivu.

 

Du retour des Batwa dans le PNKB

 

Contre toute attente, au mois d’octobre 2018, environ 40 ménages Batwa du village Buhobera dans le territoire de Kalehe vont décider de retourner dans le PNKB. Ils seront rejoints progressivement par plusieurs autres Batwa de Kabare et Bunyakiri. Les Batwa vont utiliser les Bantous comme main d’œuvre pour les travaux de fabrication des charbons des bois et de sciage des planches. En l’état actuel, et compte tenu de l’extrême pauvreté des Batwa et la quête perpétuelle de leur survie, il n’est guère surprenant d’observer pareilles dérives. «Le retour dans le parc a pu leur paraître comme une opportunité momentanée dont il fallait profiter au maximum », a déclaré  un leader autochtone Twa de Kabare.

Depuis l’incursion des autochtones Batwa dans le Parc National de Kahuzi Biega, les altercations violentes et parfois meurtrières entre autochtones Batwa et éco gardes se sont accentuées. Plusieurs actions ont été menées pour désamorcer cette crise. À plusieurs reprises, le PNKB a tenté de faire usage de la force (incendie des cases, usages des armes à feu, arrestations, menaces) pour dissuader les Batwa à ne pas rester dans le Parc mais en vain. Au contraire, ces tentatives de dissuasion débouchent la plupart des fois sur des accrochages souvent meurtriers.

A ce jour, on dénombre déjà près de dix morts et de nombreux blessés tant du coté des Batwa que du coté des éco gardes. Certains leaders Batwa croupissent actuellement en prison d’autres sont sous le coup des mandats d’arrêt. A ce sujet, l’exemple du chef Twa Kasula, du village de Muyange dans le groupement de Miti, au Sud Kivu est frappant, le 24 février dernier, ce chef Twa et sept autres Batwa dont deux femmes ont été condamnés à de lourdes peines allant de un an à 15 ans de prison et au paiement des amendes. Pour beaucoup d’observateurs, ce procès n’a pas respecté les conditions d’un procès équitable : en un seul jour, les Juges ont instruit les dossiers de huit Batwa, et le même le jour, le verdict a été  rendu. Ensuite, comme les Batwa n’ont pas eu la possibilité de se choisir un avocat, le Tribunal  a commis d’office la veille du procès  un avocat. Dans ces conditions, l’avocat commis d’office ne pouvait pas avoir suffisamment du temps pour préparer la  défense de huit Batwa.

Il est clair que si ce retour avait été autorisé et planifié (encadré) conformément  à la feuille de route de 2014 (qui prévoyait l’érection à l’intérieur du Parc des zones pilotes où les Batwa pourraient gérer la biodiversité de manière durable), il aurait pu être possible de garantir à la fois les droits des communautés ainsi que la protection de la biodiversité.

Les accroches régulières entre éco gardes et Batwa qui se sont accentuées depuis le retour des Batwa dans le PNKB, doivent interpeller toutes les parties prenantes à ce conflit, tant au niveau national qu’international. Des mesures urgentes doivent être prises pour décourager ceux qui détruisent ce patrimoine mondial qui est le PNKB et surtout pour que les scènes de violences auxquelles nous assistons  ne se reproduisent plus. Des mécanismes adéquats et durables doivent être mis sur pied pour protéger et promouvoir les droits des Batwa mais aussi protéger la biodiversité du PNKB.

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